TRAVAIL
Exposition GALERIE ARSENEC.
13 -24 NOVEMBRE 2008
Le travail que je présente aujourd’hui est le prolongement d’une démarche initiée il y a 21 ans, par un acte d’appropriation d’une gravure rupestre de Guyane, de l’ère précolombienne. L’empreinte, prélevée initialement sur un tissu, rapporté dans l’atelier pour être ensuite marouflé sur toile ou bois, agit comme un vecteur vers un monde
à découvrir, un corps à explorer. Formé de plusieurs losanges, elle est construite comme un mandala. Je la répète inlassablement depuis mai 1987 en quête de sens.
Je ne suis pas dans le formalisme et pas davantage dans le signe.
Pourtant ce signe résonne en moi, et installe comme une musique qui vient de loin, avec de multiples variations.
Je marque, tamponne à la manière des ouvriers du textile.
Je ne suis pas dans l’économique.
Transformé en marque par le jeu de la répétition, ce signe participe de ma construction, d’un engagement envers la vie donnée, à chacun d’entre nous. Mon geste est court, mesuré, rythmé par mon souffle, auquel je suis attentive pour me mouvoir. Mon corps est en éveil et s’ouvre à cette liberté fondamentale qui conduit vers l’autonomie, la légèreté, vers l’harmonie du vivre ensemble.
Je ne suis pas un peintre académique. Je n’ai pas de pudeur. Je joue de la couleur, des points, tâches, pour réaliser mes œuvres parce que j’ai des choses à dire et à montrer, que le critique sérieux va appréhender pour éclairer les regardeurs. C’est par la peinture et l’installation, que je m’exprime, tout comme je le faisais par la danse auparavant. Mon corps est impliqué dans mon travail. Je donne à voir des choses que je ne sais pas dire avec des mots. Je suis dans le sentir et le ressentir, je m’y déplace pour regarder tout ce que je ne sais pas encore voir et donner à voir presque comme un calligraphe.
« Liens » est le titre de l’exposition qui montre des œuvres que j’appelle tabliers. Mes liens sont avec la vie qui relie tous les hommes. Ils sont avec la terre qui porte notre humanité et que nous avons à protéger. Mes liens sont avec la Martinique, le pays où je suis née et où j’ai vécu jusqu’à mon adolescence. J’ai baigné dans un atelier de couture dans lequel j’évoluais avec mes poupées de chiffons réalisées par ma mère.
Mes liens sont ceux que j’établis avec le paysage de Guyane où je vis depuis trente ans, le lieu, les cultures, les différentes communautés et leurs traditions.
Mes liens se tissent dans mon rapport avec le travail que je considère primordial dans la construction de l’individu.
Mes liens sont avec ce signe avec lequel je joue et qui se joue de moi depuis toutes ces années, ludiques, mystérieux comme la Nature dans laquelle nous évoluons et que je regarde encore avec contemplation.
Mes liens interviennent comme ma contribution dans le concert artistique et mon rapport au monde.
Roseman ROBINOT le 6 Novembre 2008
Mortevalide ou le chant de la chrysalide. 2010
Propos.
Cette installation fondée, sur le thème de la mort. Thème qui me préoccupe depuis toujours, puisqu’elle fait partie du quotidien de l’humain et qui en quelque part isole comme en milieu insulaire.
La mort, comme temps arrêté, comme fin, pour les êtres vivants en général ; la mort, que je regarde comme, mouvement vers un renouvellement, et aussi, comme l’aboutissement d’une vie parsemée de luttes, de combats sur soi, d’évènements heureux ou malheureux.
Je parle aussi et surtout de la vie comme espace d’actes volontaires, du quotidien, comme lieu-temps d’apprentissage, de recommencement, et de construction ; comme moment de parole aboutie, ou non.
Le dispositif montre 42 personnages stylisés, en bois, enveloppés dans des bandelettes ou des langes de coton blanchis ou blancs comme les langes brodés ornés de broderie noire, inachevée, comme si le temps pour l’ouvrage avait manqué, signe de l’absence que montre le petit cadre situé au-dessus, mais reste encore à venir.
De petites peintures carrées en noir et blanc sont disposées en échelle et signalent les périodes de la vie.
Chaque petit corps- chrysalide a ici les yeux ouverts sur le dehors, le monde pour dire qu’il nous faut arrêter d’être spectateurs de nous-mêmes. Rompre le cocon pour être, devenir acteurs.
Devenir acteur, chacun dans sa singularité qui crée un monde métissé, multiple. Chaque parcelle de l’œuvre, contient en soi une marque, témoigne d’une marque, est une marque, une empreinte.
Empreinte qui constitue la base de mon travail depuis 1987, et en pose le concept.
Ici l’image est autre, la forme est différente, parce qu’il ne s’agit pas de l’image archéologique prélevée sur une roche précolombienne de Guyane. Mais de corps présents prêts à agir avec toutes leurs potentialités de vivants impactant le monde.
Roseman ROBINOT. Fondation Clément, Octobre 2011.
Exposition « Art et Environnement »
Biennale de Santo Domingo. 2012
Nous entrons dans l’atelier de Roseman Robinot. Nos regards s’arrêtent sur…non, ce tableau arrête nos regards, nous introduit dans un espace, un morceau de nature tout entier dédié à la forêt. Un décor référentiel qui invite à une leçon de choses .Oui une représentation de la forêt guyanaise, mais qui au-delà de la figuration se veut lieu de lecture d’un rapport plus signifiant de l’homme et de son environnement. Pour commencer cette peinture offre à notre vue feuillages et fûts serrés, le tout dans une verticalité qui est comme une aspiration, une montée vers l’infini. Va et vient d’un pinceau qui dans une gestuelle économe réalise l’anabase et la catabase pour le regard sous lequel naissent et grandissent et se perdent dans l’azur ces arbres géants. Le visiteur est tout d’un coup sous influence, nous entendons le silence, nous entrons dans un état kinesthésique si léger que se réalise une fusion entre celui qui regarde et ce qui est regardé. Regarder autrement son environnement, c’est à cela que l’artiste veut nous conduire « tout vit, tout a une âme » nous rappelle le poète animiste africain et avec lui Roseman Robinot. C’est de cette certitude que se nourrit le respect de l’environnement. Cette peinture donne à voir mais surtout à penser, à imaginer. Qui a dit :
« la nature est un temple où de vivants piliers laissent passer de confuses paroles » .
La forêt est donc un lieu de vie. De vie ? L’arouman est justement un des palmiers de la flore guyanaise : très important puisqu’il entre dans la fabrication de nombreux objets utilitaires à partir de la liane qu’il fournit : paniers, pagra*, croucrou*, couleuvre*. Le pinceau de R. Robinot a fabriqué, lui, des paniers en arouman qui servent de berceaux à d’étranges créatures : des chrysalides, formes initiales informes de la vie, étape première de la génération.
Atmosphère atone à la manière des impressionnistes , une seule couleur domine , ici le vert foncé qui suffit par sa tonalité et sa symbolique, là, le blanc des langes. Arrêts sur image à décoder pour accéder à l’autre façon d’appréhender notre réel.
Léone Michotte
Agrégée de grammaire. Docteur- ès- lettres
Octobre 2012
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*noms donnés en créole ou amérindien à divers paniers.
FIGURES – FIGURÉES : Regarde- moi.
Cette série, n’a pas comme intention de fixer, des visages connus, ni de réaliser une galerie de portraits de modèles vivants, elle porte un regard sur un dedans et un dehors approché.
Des femmes regardent, sont regardées, se re- gardent. Avant (de les dessiner), je ne sais pas quelles figures, quels visages je vais faire.
Après, (les avoir réalisées au fusain, au pastel ou à l’acrylique), elles ont une forme qui se voit, se reconnaît, prend sens. Figurées, elles ont une place à côté des figures gravées ou lithographiées que l’on trouve dans le travail pictural, que je développe depuis 1987, et que j’intitule : Empreintes puis Marques-Marquages.
Et à ce titre elles en sont un fragment, car elles sont, comme les marques, répétitives et le produit de ma volonté créatrice. Elles me ressemblent aussi car on ne peint toujours que sa propre image.
Mon ressassement d’artiste me contraint à les fondre dans l’idée de la totalité d’une Œuvre et du monde qui m’entoure. Pour ne pas sombrer dans l’abîme, j’aime à les répéter, les croquer avec délectation, car elles sont un lien entre vision et perception, entre Ici et Là. Elles évoquent l’inter - action entre Un et Multiple, dans tout projet humain.
Je ne les veux pas fermées, ni muettes, mais ouvertes comme disait Barthes à l’appropriation de la société, d’où elles me viennent. Les expressions traduites ici sont, celles des femmes, que je côtoie et avec qui j’échange dans mon quotidien; ou bien que je rencontre, croise au détour d’une rue, près d’un étal de marché ou des boutiques où je me rends.
Elles ont pour fonction d’établir un système de communication, d’encourager à la parole, d’apporter comme une bouffée de langage, toujours selon Barthes.
Le dispositif - installation a pour but d’interpeler davantage le regardeur, d’établir avec lui un dialogue voire une conversation à trois, qui évoque, et maintient, le lien.
La figure intervient comme une impérieuse nécessité pour communiquer avec le corps - origine, le centre - racine; et évoquer l’idée, du dehors et dedans, de la présence et de l’absence, du vide et du plein qui nourrit toute relation humaine. Elle intervient comme un repérage, un portrait – robot de re - connaissance, image d’un vivant perpétuel.
Mais la figure n’est pas seulement une représentation, elle est signe, trace de vie et d’un agir, pour rencontrer l’autre, l’autre soi-même aussi, pour le provoquer, l’inciter…l’encourager, l’accompagner dans le faire, et le dire, le faire – dire, le dire - faire.
Bannières
Les Bannières généralement, ont pour fonction de montrer, afficher, identifier, dévoiler, renseigner.
Initiées en 2006, elles sont un élément de la série Marques- Marquages. J’ai réalisé tout d’abord, de touts petits formats, en noir et blanc, avec des marouflages sur toile de jute peinte, puis sont venus les grands formats avec des tissus imprimés, et réimprimés à l’encre de Chine, peints en surcharge, à l’acrylique, à l’huile, et intitulés tabliers. Petits morceaux de Soi, petites traces ou pans de la vie qui nourrit l’être.
Une rupture avec le châssis limitant, pour une superposition de tissus, toiles et papier qui s’ajoutent, se multiplient et multiplient l’action.
Ces bannières-là, dévoilent des corps, des peaux, une culture, des lieux d’appropriation, de position et de re-position malgré les stigmates, les égratignures, les recollements et autres raccommodages.
J’ai construit une série, avec des lais de coton entrelacé, re- tissé, sous – tendu par un châssis comme ossature, pour en consolider l’architecture..
La matière est devenue ensuite, plus dense, avec des inclusions sur bois, de coton tressé puis sculpté ; de brisures de miroirs, de toile marquée, découpée en larges bandes.’
Ces nouvelles bannières sont au nombre de 7, et de dimensions variées. Elles traduisent la fusion entre savoir-faire artisanal, technique artistique, et imaginaire ; entre art et artisanat, entre matérialité et spiritualité.
Le dispositif que je propose alors est un accrochage au mur, associé à une installation éphémère sur le sol.
En 2010, les bannières de femmes ici représentées, sont advenues.
J’ai toujours aimé la fibre, le végétal, la Nature, le travail du tissage, le tissu, le fil à coudre ou à broder.
D’abord dessinées par moi sur le lin blanc, elles sont ensuite brodées par mon amie Elise, avec un fil de coton mercerisé noir.
Deux actes, deux intentions différentes, deux interventions distinctes et complémentaires, dans lesquels chacune se donne à l’autre, et donne à voir.
Le tissu est trame, entremêlement de corps, de, matière, de mots, de maux, de vie partagée
La broderie, savoir-faire que l’on échange, est créatrice de liens, et elle est universelle.
Nous sommes ici, en art contemporain, entre artisanat et art, dans l’espace ténu où l’artiste peut trouver une inspiration à son travail de création.
C’est aussi le quotidien des femmes dans le labeur, associé, à celui de l’homme, qui se montre ici.